Le film du mois

Marcel Carné– Hôtel du Nord

Pour notre quatrième séance ce vendredi 26 août à 20 heures à l’Eldorado Namur. Au programme un film français de 1938, réalisé par Marcel Carné, sur un scénario de Jean Aurenche et Henri Jeanson d’après le roman d’Eugène Dabit.Musique de Maurice Jaubert, décors Alexandre Trauner
A la caméra Armand Thirard

Synopsis

Sur les quais du Canal Saint-Martin, à l’hôtel du Nord, on fête une première communion.
A l’étage, un jeune couple a l’intention de se suicider. Dans une autre chambre, une tapineuse et son souteneur se disputent.

Le romantisme désespéré, la comédie de boulevard, le drame, l’amour, le sacrifice font de ce film de Marcel Carné, un des plus inoubliables. Il y a encore aujourd’hui des silhouettes furtives qui glissent sur le Canal Saint-Martin et parmi elles :
Arletty, Annabella, Jane Marken, François Périer, Jean Pierre Aumont, Bernard Blier, Andrex et
Louis Jouvet

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LE REALISATEUR

Marcel Carné 

Marcel Carné

Marcel Carné naît à Paris dans le quartier des Batignolles (XVIIe arrondissement), d’un père ébéniste. Sa mère meurt alors qu’il a cinq ans et il est alors élevé par sa grand-mère. Il est très vite attiré par le cinéma : il se rend chaque jeudi à une projection de film, puis de plus en plus souvent, trichant quelquefois pour ne pas avoir à payer le prix de sa place.
Son père souhaite qu’il reprenne sa succession et devienne ébéniste, comme lui. Marcel Carné commence donc des cours pour apprendre à tailler le bois. Il les abandonne ensuite même s’ils ne lui déplaisent pas plus que ça. Il suit à la place deux fois par semaine, en cachette, des cours de photographie à l’école des Arts et Métiers.
Pour payer ses séances de cinéma qui se font de plus en plus nombreuses, il travaille alors dans une banque, puis une épicerie et dans une compagnie d’assurance.
La première rencontre décisive de sa carrière a lieu en 1928 : il rencontre Françoise Rosay, la femme de Jacques Feyder lors d’un dîner chez des amis communs. À la fin du repas, il obtient de celle-ci qu’elle organise pour lui une rencontre avec Feyder. Carné est alors engagé comme assistant-réalisateur secondaire sur le nouveau film de Feyder, Les Nouveaux Messieurs.

À la suite de cette première expérience, il part faire son service militaire en Rhénanie.
Lorsqu’il revient en France, en 1929, la revue Cinémagazine organise un concours de critique de films. Carné en soumet cinq, et reçoit le premier prix. Il est engagé comme critique cinématographique. Il écrit aussi dans les revues Hebdo-Film, Vu, Cinémonde et Film-Sonore.
En 1929, il décide de réaliser son premier documentaire sous le titre Nogent, Eldorado du dimanche. Charles Peignot le convainc ensuite de tourner des films publicitaires avec Jean Aurenche et Paul Grimault.

Puis il devient assistant pour la mise en scène de Richard Oswald dans le film Cagliostro 1929, de René Clair dans le film Sous les toits de Paris (1930), de Jacques Feyder pour Le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935). Il dit de Feyder : « Je dois à peu près tout à Feyder. II m’a appris ce qu’est un film, depuis sa préparation jusqu’à la mise en scène proprement dite et aussi la direction des acteurs… La meilleure école de cinéma, c’est la pratique. »

En 1936, grâce à l’aide de Feyder, il réussit à réaliser son premier film, Jenny et c’est à cette époque qu’il fait la connaissance de Jacques Prévert, le scénariste qui contribue à établir sa réputation. Le tandem Carné-Prévert montre lors de leur premier film, Drôle de drame, une entente remarquable qui ne cesse de se renforcer.
Le Quai des brumes, tourné en 1938, marque un résultat important dans leur collaboration. Le film remporte un grand succès grâce à l’habileté de Carné dans la représentation des extérieurs et la direction des acteurs et au grand talent de Prévert qui réussit à amalgamer quelques-uns des thèmes du surréalisme tardif, typiques de sa poésie, avec une atmosphère inquiète à laquelle on doit certainement le charme du film.
En 1938, suivent Hôtel du Nord et en 1939, le remarquable Le jour se lève où il raconte l’histoire d’un ouvrier qui, au moment où il va être arrêté par la police dans sa chambre, revit les instants qui l’ont amené à tuer par amour et, quand le soleil se lève, se suicide d’une balle. Dans ce film très engagé, la figure de l’ouvrier, que le Front populaire montre comme protagoniste social, devient un des thèmes de Prévert, qui interprète la réalité en termes métaphysiques suivant lesquels c’est le destin qui trace les événements de la vie, une figure socialement abstraite et anonyme. Cette forme de fatalisme existentiel marquera la fin des espoirs du premier Front populaire et ce n’est pas un hasard si cette année-là sort aussi le film dramatique de Jean Renoir, La Règle du jeu.
Suit en 1942, Les Visiteurs du soir, légende médiévale à la recherche formelle poussée (bien que le réalisateur ait été peu satisfait des costumes).

Lorsque Paris est libérée, Carné et Prévert présentent leur chef-d’œuvre, Les Enfants du paradis, situé dans le Paris du XIXe siècle, sur le Boulevard du Crime, autour d’un mime fameux, Jean-Gaspard Deburau, et d’un grand acteur, Frédérick Lemaître, du début de leurs carrières jusqu’à la célébrité et de l’amour qu’ils ont tous deux pour la belle Garance. Le film fascine par son sens du récit, par l’adresse avec laquelle sont présentés figures et événements, par le soin apporté au cadrage et à la photographie et surtout par la prouesse des acteurs, de Jean-Louis Barrault à Pierre Brasseur, d’Arletty à Maria Casarès, de Marcel Herrand à Gaston Modot. L’année suivante, Carné et Prévert enchaînent avec Les Portes de la nuit.

Par la suite, Carné produit des œuvres moins importantes, mais de qualité, comme Juliette ou la clé des songes (1950), Thérèse Raquin (1953), Les Tricheurs (1958), Trois chambres à Manhattan (1965), Les Jeunes Loups (1968) et Les Assassins de l’ordre (1971).
Marcel Carné meurt à Paris le 31 octobre 1996. Il est enterré au cimetière Saint-Vincent dans le 18e arrondissement de Paris, au pied de la butte Montmartre.

Distinctions

• Lion d’argent de la meilleure réalisation à la Mostra de Venise pour Thérèse Raquin (1953)
• Lion d’or récompensant l’ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise, partagé avec John Ford et Ingmar Bergman (1971)
• European Film Award d’honneur : Life Achievement (1995)
• Praemium Imperia

L’actrice

Arletty

Arletty

Née à Courbevoie en 1898, de son vrai nom Léonie Bathiat, elle exercera divers petits métiers, dont celui de modèle, avant de commencer sa carrière de comédienne en 1920 au théâtre puis en 1930 au cinéma.
Elle tournera à trois reprises avec Sacha Guitry et se signalera par son dynamisme, sa verve, sa truculence et toujours sans vulgarité. On dit d’elle qu’elle était « L’impératrice des faubourgs »
Elle apparaît en 1935 dans ce qui sera son premier grand film, Pension Mimosas, mais c’est dans le film de Marcel Carné, Hôtel du nord, qu’elle va s’imposer. Qui a oublié la phrase devenue culte : « Atmosphère, atmosphère… »
Toujours avec Carné, elle tournera « Le jour se lève » dans lequel elle donnera la réplique à Jean Gabin et à Jules Berry. Elle a donné naissance à son personnage de femme forte et libre, qui se donne à qui lui plaît. Elle fera partie de l’un des plus grands films de l’Histoire du cinéma français : « Les Enfants du Paradis », dans lequel elle imprime une force à tous les dialogues ciselés pour elle par le magicien des mots, Jacques Prévert, ce sera sa plus inoubliable prestation dans le rôle de Garance, amoureuse du mime Baptiste interprété par Jean Louis Barrault.
Son amour pour un officier allemand lui vaudra beaucoup d’ennuis à la Libération. Hormis deux films dont « L’air de Paris », en 1954, toujours avec Marcel Carné, rien ne sera plus pareil. Malgré tout, son souvenir reste intact, elle qui fut l’une des étoiles les plus authentiques du cinéma français.

Souvenez-vous :
« Je ne suis pas belle, je suis vivante, c’est tout »
« C’est tellement simple l’amour »
« Je suis comme je suis, j’aime plaire à qui me plaît. C’est tout. Quand j’ai envie de dire oui, je ne sais pas dire non »
« Si tous les gens qui s’aiment vivaient ensemble, la terre brillerait comme un soleil »
« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour »
Elle mourra à Paris en 1992.

La musique

Maurice Jaubert

Maurice Jaubert

Ce musicien français était né à Nice en 1900. Dans un premier temps, il se consacre à ses études de droit, mais à l’incitation d’Athur Honegger, il choisira la voie de la musique, même s’il a le titre de plus jeune avocat de France. Il commence à composer à l’âge de 20 ans. Il écrit de la musique de chambre, des mélodies, de la musique de scène, notamment pour Louis Jouvet. Il doit ses premiers pas au cinéma grâce à son ami Jean Renoir qui lui demande d’accompagner les projections de son film Nana. Sa véritable première partition, il l’écrira en 1929 pour un film allemand. Certaines rencontres seront déterminantes pour Maurice Jaubert : Marcel Carné pour lequel il écrira les partitions de « Hôtel du Nord », « Drôle de Drame », « Le Quai des Brumes », « Le Jour se lève » ; Julien Duvivier pour « Carnet de Bal » et « La Fin du Jour » ; divers film de Henri Storck. Il aura aussi composé pour René Clair et Jean Vigo.
C’est la guerre qui l’emportera en 1940.

Auteur du roman

Eugène Dabit

Eugène Dabit

Né en 1898, Eugène Dabit vécut une enfance heureuse près de ses parents ouvriers. Il obtint son certificat d’études primaires, son seul diplôme, en 1911. Il fut, dès l’âge de 14 ans, apprenti serrurier. Il travailla dans le métro de Paris comme laveur-balayeur puis comme portier d’ascenseur à la station Lamarck-Caulaincourt. Il participa à la première guerre mondiale, fut démobilisé en 1919 et étudia l’art de la peinture en 1920-21 ce qui lui permit de rencontrer des personnes qui lui ouvrirent les portes de la littérature. Il découvrit ainsi Baudelaire, Stendhal et Rimbaud.
Il se lança dans l’industrie de la soie peinte, ce commerce, entrepris avec des amis, lui permit de gagner une petite fortune. Grâce à celle-ci, les parents d’Eugène Dabit devinrent propriétaires de l’Hôtel du Nord, sis quai de Jemmapes.
Eugène, logé là, put observer la clientèle du lieu, ce qui l’inspira pour son roman « L’Hôtel du Nord ». Il entreprit de devenir écrivain en 1928. Il obtint le Prix du Roman Populiste pour ce roman en 1931.